En route vers le front

Nous sommes rassemblés près de Sainte Mère l'Église d'où nous partons pour Vesly près de la Haye du Puits. Nous quittons Vesly pour le front le 6 août, pendant le trajet qui s'effectue de nuit nous sommes attaquée par des J.U. 88 boches, qui lâchent des fusées éclairantes qui descendent par parachute et éclairent la route. On se croirait en plein jour et il leur est facile ensuite de bombarder la colonne.
Des bombes tombent sur la 2ème batterie il y a heureusement pas de blessés et il y a qu'une jeep endommagée. Nous l'avons échappé belle.
7 août
Nous cantonnons actuellement près de Fougères d'où nous devons partir le lendemain, quand nous nous apprenons que les Allemands contre attaquent à Mortain, à 5 km d'où nous sommes et que la division doit leur faire face.
Les Allemands attaquent sur un front de 12 km avec 5 Panzer divisionen dont 3 de SS et 7 divisions d'infanterie.
La nuit les avions boches viennent et bombardent. Nous n'avons pas ordre de tirer car on ne doit pas faire repérer la division. Les Allemands avancent de 20 km et sont près de nous. Toute la division française est prête à entrer en action, mais c'est l'aviation surtout anglaise qui arrêtera les Allemands et les mettra en déroute.
Les " Typhon Rockets " viennent en nombre de 3000 et après une heure de combat les 4/5 des chars boches sont détruits : 140 chars détruits le reste endommagé. Les Allemands se replient en débandade. Nous apprendrons par la suite que c'était la plus grosse attaque depuis le débarquement. Ils étaient mal tombés.
Quittons la position à 7 heures du soir et après avoir roulé toute la nuit nous faisons une halte vers midi, nous repartons à 3 heures et faisons notre entrée au Mans. Nous étions les premiers Français et les gens nous prenaient pour des Américains. Quel accueil ! Quel enthousiasme !
Les camions sont couverts de fleurs que nous lance la population. La foule coupe la route et se précipite sur l'auto canon. Tout le monde veut nous serrer la main ou nous embrasser. Dix ou vingt mains me secouent les bras. Les parents me tendent leurs enfants à embrasser. Partout l'on entend "merci d'être venu nous délivrer". "Bravo les Gars".
Ma réaction est très simple. Je pleure comme un gosse, car tout est si émouvant, si sincère. Heureusement que j'ai mes lunettes contre le soleil, qui cachent mes larmes, car cela ne serait pas beau de voir pleurer un "dur".

 Nous nous mettons en position à cinq kilomètres du Mans, à Saint Pavaud où l'on défend le pont sur lequel passe la division. Le ravitaillement que nous touchons est très abondant et les civils en profitent largement. Nous resterons un jour et nuit en position et toute la journée nous sommes assaillis par les gens du voisinage qui nous apportent de bonnes bouteilles et s'enquièrent si nous ne manquons de rien.
Quelle admiration les gens ont pour nous ! Nous sommes des héros à leurs yeux, ils nous appellent leurs "libérateurs" J'y suis pour une bien faible part ! On nous signale des boches dans les bois et nous partons en reconnaissance. Nous découvrons un château qui servait de Kommandantur et d'où les boches s'étaient enfuis quelques heures auparavant, précipitamment. Je trouve une valise qu'un officier boche allait envoyer chez lui, ce qu'il n'a pas fait faute de temps. Il y a dedans des bouteilles de Bordeaux et de Cognac et surtout une jolie trousse de toilette qui fait bien mon affaire. Nous trouvons également des cigarettes boches et des Week end françaises ainsi que des conserves françaises et de nombreuses bouteilles.
Nous repartons le 11 août au soir et arrivons à 3 h du matin à Saint Mars sous Ballon sur la route d'Alençon. Après une journée passée à Ballon nous repartons et nous filons sur Alençon où les troupes françaises pénètrent, Général Leclerc en tête dans une Jeep tirant sur les boches. Le général est chez lui, car il est d'Alençon. Après un accueil merveilleux, nous nous mettons en position antichar car on s'attend à une contre attaque boche. Toute la journée ce ne sera qu'un continuel défilé de bouteilles de vin et de cidre que les gens nous apportent si gentiment, nous nous apprêtons à nous coucher quand vers onze heures et de nuit commence la grande sérénade : un bombardement aérien. Nous commençons à tirer au hasard car il fait nuit. Pendant ce temps on nous tire dessus au fusil et à la mitraillette et deux balles passent tout près de moi. J'ai eu chaud, enfin après un joli bombardement d'une heure environ, le calme revient, quatre avions ont été abattus en flammes dont un par ma pièce. C'est bien, sur les huit ou dix appareils qu'il y avait en tout. Je me souviendrai longtemps de cette nuit du samedi 12 août à Alençon. Le reste de la nuit s'est passé à s'inquiéter et à veiller et le calme est revenu avec le jour. J'ai enfin pu dormir 2 h, aux dernières nouvelles il y a eu un 5° avion abattu.
Quittons Alençon le dimanche 13 août à six heures et en route pour le front.

La bataille de Normandie repris le 10 aout pour les Canadiens de la Chaudière avec la phase 2 de l'opération "Totalize",dont l'objectif était la prise de Falaise alors que l'étau allié se refermait inexorablement sur la 7ème Armée. Les villages de La Croix et du Val sont atteints par les Chauds (Régiment de la Chaudière) dès la fin de journée puis poussent la progression vers Grainville-Langannerie, dans la soirée. Sur place, une violente riposte Allemande provenant du bois du Quesnay bloque l'avance du régiment ; de nouvelles pertes Canadiennes ponctuent cet affrontement, survenu à l'endroit ou la resistance Allemande est réputée la plus solide. 

Un nouvel assaut est alors déclenché pour s'emparer de Falaise. Le Régiment de la Chaudière est placé en direction de Rouvres, dont il doit s'emparer... Ce qui sera fait dans la soirée après avoir fait 175 prisonniers dans les rangs Allemands sans subir de pertes excessives, grâce au précieux apports des chars Kangaroos. En fait, les pertes les plus lourdes de la journée seront à mettre au crédit d'une tragique erreur d'objectif, la compagnie Support se retrouvant sous le feu d'un bombardement de la R.A.F.. Plusieurs hommes sont tués ou blessés, deux sections de chenillettes Bren sont détruites.. Le 16 aout marquait la fin des espoirs Allemands quant au rétablissement du rapport de force, le front Normand venait de s'effondrer, depuis l'echec de l'opération Luttich et la chute de Mortain . La "poche de Falaise" allait se révéler le cercueil de la 7ème Armée... Dès lors, le Régiment de La Chaudière est placé en position defensive, interdisant aux éléments ennemis de percer l'étau, qui sera fermé dès le 20 aout par la 1ère Division Blindée Polonaise à Chambois. Le 25 aout 1944, la bataille de Normandie est terminée pour les alliés comme pour le Régiment de la Chaudière... La guerre n'est pas pour autant achevée et les Chauds écriront leur nom sur le livre de l'héroïsme en de maintes occasions jusqu'au 8 mai 1945. Mais cela est une autre histoire.

3rd Canadian Infantry Division

Commandant : Major General Rodney Keller
(Gravement blessé le 8 Août 1944 lors d'un bombardement Américiain)
Major General D. C. Spry 18 August, 1944
Major General R. H. Keefler 23 March, 1945

8th Canadian Infantry (Brigadier K. G. Blackader)

The Queen's Own Rifles of Canada (Lieutenant Colonel J. G. Spragge)
A Company (Major Hume Elliot Dalton, blessé le 11 juin 1944)
B Company (Major C. O. Dalton)
C Company (Major Nickson)
D Company (Major Gordon)

The North Shore Regiment (Lieutenant Colonel D. B. Buell)
A Company (Major J. A. M. C. Naughton)
B Company (Major R. B. Forbes)
C Company (Major Daughney)
D Company (Major Anderson)

Régiment de la Chaudière (Lieutenant Colonel J. E. G. Paul Mathieu)
A Company (Major Hugues Lapointe)

B Company (Major J. F. L'Espérance)
C Company (Major Georges Sevigny)
D Company (Major Gustave Taschereau)

 

* Conrad faisait partie de la A Company du Régiment de la Chaudière et relevait du Major Hugues Lapointe, éventuel Lieutenant-Gouverneur du Québec.  La chaine de commandement du régiment de la Chaudière provenait de la 8ème Brigade sous la 3ème Division de l'infanterie.