Correspondant de guerre

En ce 22 octobre 2014, revoyons la fameuse lettre de Conrad, en provenance de la Hollande, adressée à sa soeur Marie-Anne, datée du 22 octobre 1944.

Hollande                                                                                                        22 octobre 1944

Bonjour vous autres,

                Me voici de nouveau avec d’autres nouvelles et en même temps pour répondre à votre lettre qui m’est parvenue il y a trois jours.

        Je suis très content de vous savoir tous en bonne santé pour moi ici c’est la même chose car je me porte à merveille et seul un léger rhume attrapé il y a une semaine me cause des tracas mais j’espère que très bientôt je m’en serai débarrassé.

        Depuis une semaine c’est très mouvementé par  ici et je peux compter sur mes doigts les heures que j’ai passé à dormir.

        Je suis venu bien près de me faire prendre prisonnier il y a trois jours mais on est parvenu à  retraiter à  temps et à se sauver et le lendemain on a repris la position perdue la veille et depuis nous avons encore avancés bien que les positions soient très difficiles à tenir.  La nuit qui vient de s’écouler a été une nuit de constante alerte pour nous car les allemands tentaient de s’infiltrer dans nos lignes  On a pris quelques prisonniers et les autres ont été repoussés avec perte.  Je vous assure que le sergent et moi qu’on a tiré un coup cette nuit.  J’ai dormi environ trois heures ce matin et ça m’a fait du bien.

        Je crois que j’ai maigri d’une dizaine de livres depuis deux semaines mais notre régiment sera bientôt relevé et tout redeviendra normal, je l’espère.

        Je vous dis que c’est  pas comme à Montréal mais ça se toffe.

        Il y a une chose que je n’aime pas c’est quand on a une position et que notre propre artillerie nous tire sur la tête dans ce temps-là il fait pas chaud.

        En ce moment ce qui me manque le plus c’est des cigarettes canadiennes ça fait trois semaines que je suis obligé de quêter des cigarettes aux copains.  Tu demanderas à Hortense si elle continue ses envois chaque semaine.

        Victor, si tu veux m’écrire personnellement ça me ferait bien plaisir surtout pour discuter sur notre sport national le Hockey et sur nos champions, les Canadiens.

        Bien que je sois éloigné de beaucoup de Montréal, cela ne veut pas dire que je ne m’intéresse plus au sport et si je suis de retour l’an prochain on ira au Forum ensemble pour voir jouer nos Canadiens.

        Et toi, Marie-Anne, ça va toujours bien avec ta famille.  Pauline n’est pas trop frou-frou je l’espère.

        Est-ce que Mlle Anne-Marie et Gertrude reçoivent à la maison.  Ha ha!

        Mme Ledoux jr. A-t-elle reçu la visite de son soldat?

        Excusez-moi d’avoir interrompu ma lettre pendant quelques heures mais on a eu de la visite de trente-quatre  allemands et on  les a fait prisonniers.

Je me suis trouvé une belle montre et une belle boussole ça c’est à part de l’argent que j’ai collecté.  C’étaient les mêmes qui nous  ont  attaqués la nuit dernière.  La guerre vient de finir pour eux.

        Je vais songer à terminer  maintenant car c’est un vrai roman que je suis à  vous écrire et  ça va vous prendre quelques heures pour lire ma lettre.

        Des saluts à toute la famille et un beau bec à Pauline.

        Un bonjour à Roger.

                                               De ton frère Conrad.

P.S. Le garçon de ta voisine n’est pas avec nous par ici.  Si je viens qu’à le rencontrer je serai content de faire sa connaissance. Conrad.     

 

L’adresse est toujours la même,

D167649, cpl Simard A.C.   A.Coy. Le R. de la Chaudière

 

B.W.E.F. Canadian ( Army, Overseas. ?)

(3ème page d’une lettre non daté)

Qu’on n’a pas toujours le moyen et les dispositions pour le faire.

Je ne sais pas quand je retournerai au Canada mais je t’avance que 1943 et 1944 resteront gravées très longtemps en ma mémoire .  Ça fera des souvenirs pour raconter à mes enfants plus tard.

Bon je crois que vais terminer maintenant car tu dois trouver que je n’écris que des simplicités mais ce sont des simplicités quelques fois qui  font les lettres.

        Espérant recevoir de tes nouvelles bientôt, je demeure ton frère qui ne t’oublie pas . Conrad.

p.s.  voici mon adresse au cas où tu l’aurais oubliée.

 

D 167649 Caporal Conrad Simard

  1. Coy.  Le régiment de la Chaudière.

B.W.E.F  Canadian Army Overseas.